LA RESPONSABILITE INDIVIDUELLE ET PARTAGEE AU COURS DE L’EXERCICE MEDICAL

Selon l’Article R.4127-69 du code de la santé publique, « l'exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes ».

Aussi, la responsabilité du professionnel de santé est par principe une responsabilité dite individuelle.

Néanmoins, il existe des situations, notamment du fait du parcours de soins, qui permettent à un patient victime d’une erreur médicale, d’obtenir un partage de responsabilité (responsabilité dite partagée) entre les différents intervenants de sa prise en charge.

Mais, qu’il s’agisse d’une responsabilité individuelle ou partage, le principe reste le même : la responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute.

I – LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE INVIDUELLE OU PARTAGEE

LE PRINCIPE : LA NECESSITE D’UNE FAUTE

La responsabilité individuelle du professionnel de santé repose sur le principe de la faute. En effet, l'obligation de soins découlant du contrat médical qui est mise à la charge du médecin est une obligation de moyens. Le médecin n’a aucune obligation de résultat concernant la guérison. Néanmoins, il s'engage à tout mettre en œuvre pour guérir en prodiguant des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science.

Cour de cassation, Civ., 20 mai 1936, Arrêt Mercier :

Mais attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, ainsi que parait l’énoncer le moyen du pourvoi, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ; que l’action civile, qui réalise une telle responsabilité, ayant ainsi une source distincte du fait constitutif d’une infraction à la loi pénale et puisant son origine dans la convention préexistante, échappe à la prescription triennale de l’art. 638 du code d’instruction criminelle ;

Cette règle a été confirmée et insérée dans le code de la santé publique : Article L1142-1 alinéa 1

La responsabilité des médecins, ophtalmologues ou non, peut être engagée en cas de faute. Lorsque les praticiens sont salariés alors c’est l’établissement privé qui les emploie qui assume la faute. Lorsqu’ils sont des professionnels libéraux, alors ils engagent leur propre responsabilité. Lorsque le médecin est un praticien hospitalier, alors sa responsabilité ne sera pas engagée directement en cas de faute. Il sera protégé par sa structure d’accueil, à savoir l’établissement public de santé qui assumera alors l’entière responsabilité de la faute de ce dernier (sauf faute détachable du service qui correspond à un fait personnel d’une particulière gravité out dépourvu de tout lien avec le service).

# La faute concernant un acte de prévention de diagnostic ou de soin

Le praticien peut engager sa responsabilité en cas de faute commise dans le cadre de la réalisation d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, notamment en cas d’erreur de diagnostic par exemple. Lorsque un patient subit un dommage en l’absence de toute faute médicale (aléa thérapeutique, alors sa responsabilité ne pourra pas être engagée mais le patient pourra éventuellement obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale si ses séquelles sont suffisamment graves et remplissent les critères de gravité exigés par le fonds de garantie (ONIAM / Article L. 1142-1 alinéa 3 du code de la santé publique).

# La faute liée au défaut d’information

Article L1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

Le professionnel de santé peut engager sa responsabilité du seul fait de la violation de son obligation d’information à l’égard du patient. Plusieurs préjudices peuvent être invoqués par le patient :

* La perte de chance d’avoir pu éviter un acte

En effet, si le patient prouve qu’il n’aurait pas accepté un tel acte de soin s’il avait été avisé des risques associés, alors la responsabilité du professionnel de santé peut être engagée puisque du fait de ce défaut d’information, il a fait perdre au patient une chance de se soustraire à cet acte et au dommage consécutif.

Civ. 1ère, 22 juin 2017 n°16-21141 Qu'en statuant ainsi, alors que la perte de chance d'éviter le dommage, consécutive à la réalisation d'un risque dont le patient aurait dû être informé, constitue un préjudice distinct du préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences de ce risque et consiste, dès lors que son existence est retenue par les juges du fond, en une fraction des différents chefs de préjudice déterminée en mesurant la chance perdue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

* Le préjudice moral d’impréparation

Lorsque le patient est victime de la réalisation d’un risque associé à un acte de soins, dont il n’a pas été informé par le professionnel de santé, alors il peut engager la responsabilité civile de ce dernier du seul fait de ne pas avoir pu se préparer à cette éventualité de survenue du risque qui vient de se réaliser. Il peut s’agir d’une impréparation morale et/ou économique.

Civ. 1ère, 23 janvier 2014, n°12-22.123 Mais attendu qu'indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte d'investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu'ayant constaté, alors que Mme X... exposait, sans être contredite par M. Y..., n'avoir reçu aucune information sur l'intérêt de la vaccination ou sur ses risques, que les experts, comme la quasi-unanimité des scientifiques, écartaient tout lien de causalité entre le vaccin contre l'hépatite B et l'apparition de la SLA, qui n'est pas une maladie auto-immune mais une dégénérescence des motoneurones, et que ni la notice du GenHevac B ni le dictionnaire médical Vidal ne mettaient en garde contre une éventualité d'apparition d'une SLA après une vaccination par GenHevac B, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de Mme X... ne pouvait être accueillie ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première ;

Le cumul entre le préjudice de perte de chance et le préjudice moral d’impréparation est parfaitement possible. Aussi, le patient pourra obtenir le cas échéant une double indemnisation pour préjudice moral du seul fait du défaut d’information par le professionnel de santé.

LES EXCEPTIONS : LA RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT

# Les produits de sante

Concernant les produits de santé, la responsabilité du professionnel de santé peut être engagée en dehors de toute faute lorsque le produit est défectueux et a causé un dommage à un patient. Ce dernier n’a pas à rapporter la preuve d’une faute du professionnel pour obtenir une indemnisation. Il s’agit en effet ici d’une responsabilité de plein droit.

Article L1142-1 alinéa 1 du Code de la santé publique : I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Il est toujours possible néanmoins pour le professionnel de santé, dont la responsabilité est engagée, de se retourner contre le fabriquant via le mécanisme de l’action récursoire.

# Les infections nosocomiales

En ce qui concerne les infections nosocomiales, l’établissement de santé dans lequel le patient a contracté celles-ci, engage sa responsabilité de plein droit (en dehors de toute faute médicale), qu’il s’agisse d’un établissement de santé public ou privé.

Article L1142-1 alinéa 2 du Code de la santé publique : Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

La responsabilité du praticien salarié ou libéral quant à elle n’est engagée qu’en cas de faute, lorsque ce dernier n’a pas respecté par exemple les protocoles d’asepsie et d’hygiène.

LA NECESSITE D’UN LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE ET LE DOMMAGE

Pour engager la responsabilité individuelle d’un professionnel de santé, trois critères cumulatifs doivent être remplis (hors cas des produits de santé qui obéissent à un régime particulier évoqué ci-dessus) :

  1. Une ou plusieurs faute(s) :
  • Erreur ou retard de diagnostic.
  • Actes non conformes aux données acquises de la science ou aux recommandations de bonnes pratiques médicales.
  • Défaut d’information
  • etc
  1. Un ou plusieurs préjudice(s).
  1. Un lien de causalité direct et certain entre la (les) faute(s) et le(s) préjudice(s).

En l’absence de ces trois conditions cumulatives, le praticien ne pourra pas engager sa responsabilité. En effet, même en cas de faute, si le patient n’a souffert d’aucun dommage en lien avec cette faute, alors il ne pourra obtenir aucune indemnisation.

LE CAS DU REMPLACEMENT

Article R. 4127-65 du code de la santé publique :

Un médecin ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l'ordre ou par un étudiant remplissant les conditions prévues par l'article L.4131-2 du code de la santé publique. Le médecin qui se fait remplacer doit en informer préalablement, sauf urgence, le conseil de l'ordre dont il relève en indiquant les nom et qualité du remplaçant ainsi que les dates et la durée du remplacement. Le remplacement est personnel. Le médecin remplacé doit cesser toute activité médicale libérale pendant la durée du remplacement. Toutefois, des dérogations à cette règle peuvent être accordées par le conseil départemental, dans l'intérêt de la population lorsqu'il constate une carence ou une insuffisance de l'offre de soins.

Le remplaçant reçoit et prodigue donc les soins aux patients aux lieu et place du médecin remplacé qui doit cesser toute activité médicale pendant toute la durée du remplacement. Le médecin remplaçant agit sous sa propre responsabilité pour ses décisions et actes, avec une licence de remplacement strictement personnelle. Le remplaçant est donc seul et individuellement responsable de ses fautes et a l’obligation légale de souscrire une assurance garantissant sa responsabilité civile (Article L.1142-2 du code de la santé publique). Il conserve donc son indépendance professionnelle et ce, même s’il n’encaisse pas directement les honoraires (celui-ci ne percevant qu’une rétrocession à postériori de la part du médecin remplacé). Le médecin remplacé doit néanmoins mettre à la disposition du médecin remplaçant tout ce qu’il est nécessaire pour qu’il puisse prendre en charge correctement les patients du Cabinet. Dans le cas d’un remplacement pour des gardes, le médecin remplacé doit être joignable ou désigner un confrère joignable en cas de problème de son médecin remplaçant. S’il ne laisse aucune coordonnée, c’est un manquement grave à ses responsabilités et obligations envers ses patients. A défaut de respecter ces obligations, un partage de responsabilité serait alors envisageable en cas de sinistre entre le remplacé et le remplaçant au prorata des fautes commises.

II – LES CAS DE RESPONSABILITE PARTAGEE

VERS UNE DECISION MEDICALE DE PLUS EN PLUS PARTAGEE

La décision médicale est de plus en plus partagée entre tous les autres intervenants dans le parcours de soins du patient. Aussi, la responsabilité médicale est un terrain propice au partage de responsabilité en raison du nombre d’intervenants.

Le dommage peut résulter de la conjugaison de fautes commises par différentes personnes : professionnels libéraux, salariés ou hospitaliers, établissements de santé publics ou privés etc. Aussi, la responsabilité médicale peut être :

  • Soit civile individuelle ou partagée entre plusieurs acteurs de droit privé
  • Soit administrative individuelle ou partagée entre plusieurs acteurs de droit public
  • Soit civile et administrative, c’est-à-dire partagée entre des acteurs de santé privés et des acteurs de santé publics.

Aussi avant d’envisager toute action en justice, il est nécessaire de déterminer le ou les responsables, leur nature juridique publique ou privée et les actes en cause : Est-ce l’établissement de soins dans le cadre de sa mission d’organisation des soins ou pour les actes réalisés par son personnel soignant employés ? Est-ce le médecin salarié ou qui exerce de manière libérale dans cet établissement ? Est ce un praticien hospitalier ? etc.

Déterminer les éventuelles entités juridiques permet alors au patient de savoir quelle juridiction il doit saisir pour intenter son action en justice contre le professionnel de santé et/ou l’établissement de santé responsable(s) de son accident médical. En effet, lorsque la responsabilité d'un médecin exerçant dans le privé ou d’une clinique privée est mise en cause, la victime ne peut engager une action contre lui que devant la juridiction civile.

En revanche, si le patient estime avoir été victime d'une prise en charge défectueuse de la part d'un établissement public ou d’un praticien hospitalier, il doit saisir la juridiction administrative. La situation se complique lorsque la victime a subi des préjudices découlant tant d’une faute dans le privé que d’une faute dans le public (Ex : intervention chirurgicale non conforme aux données acquises de la science dans le privé et infection nosocomiale contractée dans le public après son transfert). Dans cette hypothèse, son indemnisation dépend de la compétence des deux ordres juridictionnels (le Tribunal administratif et le Tribunal Judiciaire). Auparavant, elle se trouvait dans l’obligation de saisir les deux ordres pour obtenir deux indemnisations différentes et ce, au prorata des fautes reprochées aux différentes entités privée ou publique et de leur gravité respective.

VERS UNE FACILITATION DE L’INDEMNISATION DES PATIENTS VICTIMES D’UNE RESPONSABILITE MEDICALE PARTAGEE

Le Conseil d’Etat a simplifié l’indemnisation des victimes. Désormais la victime pour agir pour le tout devant le Tribunal administratif, libre à l’hôpital public de se retourner contre l’entité privée pour sa propre part de responsabilité.

Conseil d’Etat, Avis, 20 janvier 2023, Mme B. c/ Groupe hospitalier du SUD DE L'OISE, Req. n° 468190 Lorsqu’un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l’une de ces personnes à réparer l’intégralité de son préjudice. ...L’un des coauteurs ne peut alors s’exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l’existence de fautes commises par l’autre coauteur. ...2) Il en résulte que la victime peut demander la condamnation d’une personne publique à réparer l’intégralité de son préjudice lorsque la faute commise portait normalement en elle le dommage, alors même qu’une personne privée, agissant de façon indépendante, aurait commis une autre faute, qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s’est produite. ...a) Il n’y a, dans cette hypothèse, pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n’affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l’étendue de leurs obligations à l’égard de la victime du dommage. ...b) Il incombe à la personne publique, si elle l’estime utile, de former une action récursoire à l’encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu’il soit statué sur ce partage de responsabilité. ...c) Il appartient en conséquence au juge de déterminer l’indemnité due au requérant, dans la limite des conclusions indemnitaires dont il est saisi, laquelle s’apprécie au regard du montant total de l’indemnisation demandée pour la réparation de l’entier dommage, quelle que soit l’argumentation des parties sur un éventuel partage de responsabilité.

Cependant, les indemnisations accordées par les juridictions administratives sont moins élevées que celles octroyées par les juridictions civiles et ce, quand bien même le préjudice serait identique.

Certaines juridictions de l’Ordre judiciaire ont adopté la même position que celle du Conseil d’Etat mais malgré tout à ce stade, la Cour de cassation n’a pas encore uniformisé sa Jurisprudence et adopté la même position de principe que le Conseil d’Etat.

Décision du 26 mars 2019, TGI de GRASSE n°2019/357 le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a jugé que : « En présence d’un dommage imputable à plusieurs personnes intervenant de façon indépendante, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant condamnation de l’une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs pourraient former entre eux. Dès lors, Madame X et Madame V sont bien fondées à solliciter la condamnation de Monsieur G à la réparation de leur entier préjudice, à charge pour lui d’engager une action récursoire contre l’établissement hospitalier dont la part de responsabilité a été retenue par l’expert ».

EXEMPLES DE RESPONSABILITE PARTAGEE LIEE A LA CHAINE DE SOINS

UNE RESPONSABILITE PARTAGEE VERTICALE

# Le médecin L’article R. 4127-34 du code de la santé publique dispose que le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution.

# Le pharmacien Le pharmacien quant à lui est tenu de respecter diverses obligations afin d’assurer la sécurité de ses Clients et notamment dans un premier temps s’assurer :

  • Du caractère Original de l’ordonnance (Cf. Article R. 5132-22 du code de la santé publique),
  • De la validité de l’ordonnance (date et signature notamment)
  • De l’identité du patient
  • De l’habilitation et de la qualification du prescripteur de l’ordonnance (inscription à l’Ordre, spécialité requise pour la prescription de tel ou tel médicament etc)

Dans une seconde étape, le pharmacien doit s’assurer de la régularité de l’ordonnance en procédant à l’analyse de sa cohérence (durée du traitement, posologie ou formule indiquée, mode d’administration etc). En l’absence d’anomalie après analyse de l’Ordonnance, il peut alors procéder à la délivrance de l’Ordonnance, conformément à la prescription qui y est mentionnée. En cas de doute ou d'erreur, le pharmacien doit avertir le médecin et demander confirmation de la prescription. Il doit en outre s’assurer qu’il n’existe pas de contre-indications par rapport aux autres médicaments éventuellement prescrits par un autre professionnel de santé. En effet, une obligation de prudence et de diligence est mise à sa charge.

# L’infirmier L’article R. 4312-42 du code de la santé publique rappelle que "l’infirmier applique et respecte la prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, quantitative et qualitative, datée et signée". En cas d’urgence, l’infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Aussi chaque intervenant peut engager sa responsabilité médicale individuelle du fait d’une faute commise dans le cadre de la réalisation de ses propres prérogatives légales et règlementaires. Si plusieurs fautes sont commises par l’un, l’autre ou les trois intervenants, alors la responsabilité médicale devient partagée entre les différents acteurs.

CAS DE JURISPRUDENCE

Tribunal de Grande Instance de PARIS, 7 juin 2004 : Un patient consulte son médecin généraliste pour des problèmes de lombalgies. Le médecin lui fait deux Ordonnances :

  • Une prescription de médicaments : un anti-inflammatoire et du DODECAVIT (palliatif au déficit en Vitamine B12), dont le mode d’administration se fait par injection
  • Une autre prescription à destination d’un infirmier choisi par le patient qui réalise les injections.

A la pharmacie, le patient se fait délivrer du MODECATE à la place du DODECAVIT, le pharmacien ayant mal lu le nom du médicament compte tenu du caractère difficilement lisible de l’Ordonnance. Postérieurement, deux infirmières libérales procèdent aux injections du neuroleptique pendant les huit jours prévus dans l’ordonnance. Le patient présente alors un syndrome pyramidal de type parkinsonien avec des séquelles importantes, notamment un déficit fonctionnel permanent de 2 %.

Les responsabilités ont été tranchées en ces termes :

  • Absence de responsabilité du médecin prescripteur
  • Responsabilité du pharmacien à hauteur de 70 %
  • Responsabilité à hauteur de 20 % pour l’infirmière ayant réalisé plusieurs injections

• Responsabilité à hauteur de 10 % pour l’autre infirmière n’ayant réalisé qu’une seule injection

Décision du Tribunal Pour le médecin : « Le simple défaut d’écriture de la seule première lettre du médicament prescrit ne peut être retenu valablement comme une faute imputable au médecin à l’origine de l’erreur du pharmacien, les diverses négligences de ce dernier étant seules responsables de la délivrance litigieuse ». Pour le pharmacien : Légèreté et manque de vigilance lui ont été reprochés.

  • il existait une incohérence manifeste de posologie (posologie de l’ordonnance = une injection par jour pendant huit jours // posologie du MODECATE = une injection toutes les trois à quatre semaines) ;
  • ce médicament ne présentait aucune cohérence avec le reste des médicaments prescrits visant à traiter une lombalgie.

Pour les infirmiers : Malgré la clarté de l’ordonnance, les infirmières ont administré le mauvais produit. Elles ont donc manqué à leur obligation de vigilance.

UNE RESPONSABILITE PARTAGEE HORIZONTALE

CAS DE JURISPRUDENCE

CA Paris, 1ère ch., B, 17-06-2004, n° 02/18825 Une patiente, qui souffrait par intermittence du dos et des pieds, a été opérée des deux pieds à l'Hôpital LEOPOLD BELLAN par le Docteur J. salarié.

Elle a été victime d'une infection nosocomiale (sur-infection par staphylocoques dorés) qui a nécessité des ré-interventions et qui a laissé des séquelles au niveau du pied gauche. Il résulte du rapport d'expertise que certains symptômes de l'infection nosocomiale étaient présents avant le terme du premier mois post-opératoire et que le Docteur J. a sous-estimé l'agressivité de l'infection se contentant de tenter de l'éradiquer par une simple ablation du matériel de fixation interne tout en laissant sortir sa patiente sans antibiothérapie. Des antibiotiques (clamoxyl) n'ont été prescrits que bien plus tard. Les premiers juges ont donc retenu que le Docteur J. avait commis un retard fautif dans le diagnostic et le traitement de l'infection nosocomiale et que ce retard avait aggravé les préjudices subis par la patiente. Aussi, le Docteur J. n’est pas responsable de l'infection nosocomiale mais de l'aggravation des préjudices. La Cour d’appel a retenu la responsabilité in solidum (partagée) de la Fondation LEOPOLD BELLAN et du Docteur J, chacun ayant une part de responsabilité à hauteur de 50% dans la survenue des préjudices subis par la patiente.

Avis de la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux : Un patient de 45 ans, sans antécédents médicaux, a subi des extractions dentaires sans complication. Deux jours plus tard, il a développé un gonflement sous l'œil droit. À J+6, il a alors consulté son médecin généraliste qui lui a diagnostiqué une allergie et a prescrit une corticothérapie. L’état s'aggravant, le patient s’est rendu aux urgences où une pommade antibiotique lui a été prescrite sans bilan radiologique, avec un suivi ophtalmologique recommandé sous 48 heures. À J+9, il a donc consulté son ophtalmologiste qui a constaté une douleur oculaire intense et a prescrit un simple collyre antibiocorticoïde. Malheureusement, son état a continué de s’aggraver : douleur intense empêchant le sommeil et œdème palpébral sévère bloquant l'ouverture de l'œil. L’ophtalmologiste reconsulté a alors prescrit des examens radiologiques et échographiques ainsi qu’une antibiothérapie orale. Les imageries ont révélé une tuméfaction orbitaire et plusieurs abcès dans un contexte d’ethmoïdite étendue. Le patient a alors été transféré aux services des urgences pour exophtalmie de grade 3 et une ophtalmoplégie quasi-totale, conservant initialement son acuité visuelle. Cependant, il a rapidement perdu toute acuité visuelle et a été alors immédiatement transféré au CHU pour une chirurgie d’évacuation d’un abcès intraorbitaire associé à une thrombophlébite du sinus caverneux. Aucune récupération visuelle n’a pu être observée. L’Expert mandaté par la CRCI a estimé que le médecin généraliste ne pouvait pas engager sa responsabilité dans la mesure où il avait vu le patient une seule fois au début de la prise en charge. La responsabilité du service des urgences + de l’ophtalmologue ont été retenues et partagées respectivement à hauteur de 80 % pour l’ophtalmologue et 20 % pour l’Hôpital (urgences). Il a été estimé en effet un retard de demande de bilan radiographique, lequel a occasionné une perte de chance de 80 % pour le patient de connaître une évolution favorable de la cellulite orbitaire dont il avait été atteint.

CAS D’UNE REUNION COMMUNE PLURISCIPLINAIRE

En ce qui concerne la répartition des responsabilités entre les professionnels de santé prenant part à une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), la RCP ne disposant pas de la personnalité morale, il ne peut être retenu de responsabilité collective à son égard.

TA Lille, du 04-11-2022, n° 2000100 Le tribunal administratif de Lille a précisé que l’avis et la proposition émanant d’une réunion de concertation pluridisciplinaire, à caractère collégial, ne revêtent qu’un caractère indicatif. Dans cette affaire, les dix médecins présents avaient préconisé la réalisation d’une thoracotomie exploratrice. Le juge administratif a qualifié cette proposition comme ayant « un caractère collégial et indicatif, dépourvu de toute valeur juridique contraignante ». Aussi, il semble logique qu’aucune faute ne soit retenue au titre de cette prise de décision en RCP, s’il en résulte un dommage (sauf erreur collective grossière). Néanmoins le tribunal a rappelé que la réunion de concertation pluridisciplinaire ne saurait exonérer le chirurgien de sa responsabilité dans l’établissement du diagnostic et le choix du traitement.

CONCLUSION

La responsabilité médicale partagée renvoie à l'idée que plusieurs acteurs peuvent individuellement être impliqués dans un même parcours de soins, chacun pouvant avoir un rôle dans un dommage causé à un patient. Avec la complexité croissante des soins de santé, impliquant différents professionnels et établissements, cette notion est devenue de plus en plus centrale dans les contentieux médicaux. L’un des défis majeurs en matière de responsabilité médicale partagée est donc de déterminer avec précision la part de responsabilité de chacun. Pour réduire les risques de responsabilité médicale partagée, les professionnels de santé et les établissements doivent mettre en place des mécanismes de coordination et de communication efficaces entre les équipes médicales. La tenue rigoureuse des dossiers médicaux et la clarté des ordonnances sont notamment des éléments clés pour éviter que des erreurs ne surviennent et ne s’aggravent à cause d’un manque de suivi.

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